Les spécifications sont presque achevées et arrivent
au terme du processus de standardisation, les produits
commencent à être disponibles. Nous en sommes aux
premières étapes de déploiement, mais la demande est
poussée par l'industrie des mobiles de 3ème génération
et par les grands pays asiatiques. Bref, tout est réuni
pour que la migration progressive de l'Internet Protocol
version 4 à la version 6 débute en 2001. L'occasion de
faire le point sur IPv6, qui n'est rien de moins que
l'une des briques essentielles à la construction de
l'Internet de demain.
Un dossier réalisé par Cécile Plet et Jean-Michel
Cornu Quatre lettres et une nouvelle version
vont-elles vraiment nous changer la vie ? . Edito
de Jean-Michel Cornu
. La fin
du rationnement des adresses . Une
adresse pour chaque objet . Une
définition plus fine du champ d'action . Fluidifier
les communications mobiles . Les
accélérateurs et les freins au déploiement d'
IPv6 . L'enjeu
de la migration : Comment va-t-on passer à IPv6 ?
. Où en
est-on du déploiement d'IPv6 ? . Japon :
Lancement à grande échelle d'une expérience IPv6
. Quelques
ressources IPv6 . D'IPv4
à IPv6... et IPv5 ?
La fin du rationnement des adresses
La toute première utilité d'IPv6 réside dans les
limites du nombre d'adresses disponible sous IPv4.
Celui-ci permet, en théorie, de créer 4 milliards
d'adresses. Mais dans les faits, les problèmes
commencent à émerger à partir de 160 millions d'adresses
utilisées. Les 350 millions d'Internautes actuels
doivent donc se partager pour la plupart des adresses
temporaires. Les fournisseurs d'accès partagent les
adresses dont ils disposent en attribuant une adresse
temporaire pour la seule durée d'une connexion.
Concrètement, votre ordinateur ou votre terminal d'accès
à l'Internet, votre téléphone portable n'a jamais la
même adresse, ce qui freine beaucoup d'applications
comme la téléphonie sur IP ou la visio-conférence. Cela
pose également des problèmes dans le développement des
applications point à point (telles que Napster), ou
encore des applications distribuées sophistiquées telles
que les jeux multijoueurs. De plus, aujourd'hui, de
nouveaux pays ne peuvent avoir le nombre d'adresses dont
ils ont besoin (La Chine par exemple dispose de
seulement 8 millions d'adresses IPv4 alors qu'elle a
déjà actuellement 50 millions de téléphones et 1,4
milliards d'habitants dont 400 millions d'urbains.)
Une adresse pour chaque
objet
La motivation première d'IPv6 est de multiplier le
nombre d'adresses, même si par la suite il a été choisi
de développer ou d'intégrer d'autres fonctionnalités.
IPv6 permettra d'attribuer une adresse non seulement à
chaque personne mais également à chaque objet pour
pouvoir y accéder directement (les volets électriques de
la maison...) Les adresses IPV6 sont codées sur 128
bits au lieu de 32 bits par adresse.
IPv6 regroupe également d'autres fonctionnalités
-Le protocole dispose de l'auto-configuration (plug
and play) ce qui facilite grandement sa mise en oeuvre
(les serveurs peuvent construire leur propre adresse par
exemple avec le numéro MAC de la carte ethernet)
-Les mécanismes qui permettent la mobilité sont plus
efficaces; il sait gérer l'inaccessibilité d'un voisin
(par exemple lors de la déficience d'un routeur) -Il
inclut en base la sécurité (il s'agit en fait du
standard IPsec), mais l'élimination du mécanisme de
traduction d'adresses (NAT) permet une utilisation
sécurisée de bout en bout. -Il intègre la qualité de
service (QoS). Les mécanismes sont les mêmes que pour
IPv4 (diffserv et intserv) mais la QoS est traitée
directement en base dans l'entête sans nécessité de
regarder à l'intérieur du paquet. -Il permet
également le multicasting (envoi d'un seul flux de
données, tel qu'une émission vidéo, à un grand nombre de
personnes, au lieu d'un flux par personne).
Max Hata de NTT DoCoMo résume ainsi le
bouleversement, progressif, qu'apportera IPv6 :
"IPv4 connectait les ordinateurs ; IPv6 connectera
les hommes."
Une définition plus fine du
champ d'action
Les 128 bits par adresse IPv6 permettent de diffuser
dans ces adresses des informations beaucoup plus fines.
Il est possible de spécifier grâce à l'adresse, une
liaison multicast qui envoie des données à un ensemble
d'adresses plutôt qu'à une seule, comme par exemple dans
la diffusion TV. En effet, les premiers bits des
adresses permettent de savoir le type de paquet dont il
s'agit :
* 96 zéros suivis d'une adresse sur 32 bits : il
s'agit d'une adresse IPv4 (permet d'assurer la
compatibilité des deux protocoles). * 001 : il s'agit
paquet "global unicast" c'est à dire envoyé à une seule
destination située sur l'Internet * 1111 1111 : il
s'agit d'un paquet "multicast" envoyé simultanément à
plusieurs destinations, etc. L'utilisation de ces
"préfixes" permet donc de définir un champ d'action :
*Global pour un accès à l'ensemble de l'Internet (par
exemple pour un terminal mobile) *Local au niveau
d'un site (une entreprise ou la maison) *Local au
niveau d'une connexion locale directe (pour une
imprimante par exemple)
Fluidifier les
communications mobiles
Aujourd'hui, dans le standard actuel "mobile IP" qui
peut être ajouté à IPv4, le mobile informe la base de
l'endroit où il est. Mais lorsqu'un système veut
communiquer avec lui, il doit passer impérativement par
son emplacement de base et être ensuite rerouté vers le
mobile (la réponse, elle, peut aller directement du
mobile à l'autre système). Cela peut générer un trafic
important et inutile.
Mobile IPv6 utilise un protocole très semblable à
mobile IP mais permet à un système de communiquer
directement avec le mobile sans repasser par son
emplacement de base lorsque celle-ci lui a indiqué la
position du mobile.
L'UMTS forum juge IPv6 vital au succès de l'Internet
mobile : http://www.umts-forum.org/press/article050.html
L'alliance de l'UMTS forum et de l'IPv6 forum :
http://www.umts-forum.org/press/article038.html
Nokia a annoncé un premier réseau IPv6 sur GPRS
http://www.nokia.com/ipv6/
NTT est extrêmement agressif sur IPv6 et veut
mettre en place rapidement un réseau en IPv6 natif
mondial. Il a démarré au Japon un service pilote OCN sur
des liaisons spécialisées avec une centaine de
partenaires. Il participe également au projet européen
6INIT.
Les accélérateurs et les freins au déploiement d'
IPv6
4 facteurs poussent à l'adoption rapide d'IPv6 :
1. L'Internet Mobile (L'accès partout et tout le
temps implique une liaison permanente qui nécessite une
adresse pour chaque objet) 2. L'Internet à la Maison
(chaque objet doit être pouvu d'une adresse fixe pour
pouvoir être contacté par une personne ou un autre
objet). Si les 43 millions de PC ont les ressources
suffisantes pour faire tourner une double pile
IPv4/IPv6, il n'en va pas de même des objets
communiquants (appliances). Ils devront intégrer IPv6
dès le début avant leur prolifération. 3. La demande
des nouveaux pays émergents (qui ont besoin d'un grand
nombre d'adresses) 4. Les besoins liés aux nouveaux
services professionnels (Qualité de Service...)
Plusieurs facteurs peuvent cependant ralentir le
déploiement d'IPv6 :
1. Les applications doivent être converties. Ce
travail n'est pas très complexe en soi, mais un très
grand nombre d'applications sont concernées. 2. Les
systèmes pour l'utilisateur final et les serveurs
doivent entrer en phase de production et être supportés.
3. Il manque encore des routeurs de haute
performance compatibles IPv6. 4. Les administrateurs
réseau doivent réapprendre à configurer des piles V6 et
on risque d'avoir à modifier quelque chose qui marche….
Les utilisateurs ne poussent par vers IPv6 (ils ne
savent pas de quoi il s'agit et il devient de plus en
plus invisible dans les objets), mais les nouvelles
applications que permettent les fonctionalités d'IPv6
pousseront la demande.
L'enjeu de la migration : Comment va-t-on passer à
IPv6 ?
Le monde de l'Internet ne basculera pas brutalement
du monde Ipv4 au monde Ipv6. Il y aura une longue
période de transition selon Bob Fink du Lawrence
Berkeley Labs et co-président du groupe ngtrans en
charge des recommandations pour la transition vers IPv6
à l'IETF.
L'un des enjeux de la migration va donc être de faire
communiquer IPv4 et IPv6 et de disposer de produits qui
savent gérer les deux protocoles et le passage entre les
deux mondes.
Il existe pour cela plusieurs solutions utilisant le
plus souvent une double pile de protocoles IP (une IPv4
et une IPv6) installées sur des machines.
Il y a un large usage des doubles piles. Mais si on
installe celles-ci uniquement sur les serveurs, seuls
ceux-ci pourront converser directement entre eux ne
permettant pas d'appeler en visio-conférence vers un
poste IPv4.
En France, une entreprise vient de se créer, 6wind,
dont l'objet est de développer des solutions pour le
passage IPv4/Ipv6. http://www.6wind.com/profile.html
Où en est-on du déploiement d'IPv6 ?
Côté standard Le noyau d'IPv6 est un "draft
standard" IETF (en novembre 2000). Il s'agit de la
dernière étape avant le standard approuvé. Cela signifie
qu'il est stable et largement testé. D'autres
spécifications en sont au stade moins avancé d'
"Internet Draft", mais elles sont en très bonne voie
d'après Steve Deering, co-président du groupe IPv6 à
l'IETF. Ces spécifications concernent : la compression
des entêtes, mobile IPv6, le support des protocoles AAAA
et A6 pour la résolution des adresses IPv6 dans les DNS
(serveurs de noms de domaines)...
Côté équipements techniques La plupart des
vendeurs de piles IPv4 ont ou vont avoir une offre IPv6.
Tous les constructeurs ont déjà des produits en phase de
test : 3com, FreeBSD 4.X, NetBSD, Linux 2.2, IBM AIX,
Hitachi, Nortel, Sun SOLARIS et Trumpet ont des offres
qu'ils supportent; Cisco est en Beta Test (IOS 12.1) et
devrait supporter les produits à partir de mars 2001 ;
Microsoft est également en Beta Test et devrait intégrer
IPv6 sur le CD de Whistler (la prochaine version de
Windows 2000) pour les développeurs et l'intégrer
complètement à la prochaine version majeure (les deux
piles IPv4 et IPv6 seront installées)...
Côté réseaux Il y a eu une première phase avec des
réseaux expérimentaux dès 1996, avec en particulier le
6bone lancé en juillet de cette même année qui
interconnecte les 3 premiers réseaux IPv6 : le G6 en
France, WIDE au Japon et NRL aux USA. Aujourd'hui,
le 6bone interconnecte 49 pays. Il existe 75 dorsales
de réseaux IPv6 interconnectées par des fournisseurs
d'accès tiers (tels que UUnet, Deutsche Telekom et Zarma
Networks...)
Le bilan de ces premiers réseaux expérimentaux
interconnectés entre eux montre qu'IPv6 tient ses
promesses : il est facile à configurer, à administrer et
à faire tourner.
le 6bone restera en place jusqu'à ce qu'il soit
devenu inutile après un large déploiement de IPv6.
Pour plus d'information sur la situation d'IPv6, voir
http://www.6bone.net/.
Par ailleurs, les adresses IPv6 commencent à être
attribuées. L'IANA
(l'ancêtre de l'Icann) a annoncé des
allocations publiques d'adresses IPv6 le 14 juillet 1999
et les premiers "IPv6 top level prefix" ont été
attribués à la mi-1999 par l'APNIC (Asie/pacifique),
l'ARIN (Amérique du Nord) et RIPE NCC (Europe).
Enfin, les sites d'interconnexion (peering) et les
premiers fournisseurs d'accès entrent en production
:
-Le 6TAP : première
expérience de peering IPv6 en production. Il a été
mis en place par ESnet et Canarie. Il est situé
au Startap à Chicago, le principal lieu d'interconnexion
des réseaux haut débits. -D'autres initiatives
majeures de point de peering sont en préparation (Tokyo,
Amsterdam, Allemagne, divers sites aux USA, etc...)
-ESnet a créé l'initiative 6REN mise en place pour
aider l'émergence de fournisseurs d'accès IPv6
Enfin les premier fournisseurs d'accès IPv6
apparaissent :
Le premier fournisseur mondial mobile sur IPv6 est Smartone
à Hong-Kong : a terminé en octobre 2000 le premier
réseau mobile IPv6 pilote mis en place par British
Telecom. Il teste actuellement 5 scénarios
d'interconnexion. British Telecom met également en
place un fournisseur d'accès IPv6 pilote avec Japan
Telecom et teste des accès IPv6 à Londres, Cambridge et
Adastral Park. Le projet européen 6INIT doté de 4,2
Millions d'euros et d'une durée totale de 16 mois (il
est en place depuis déjà un an), teste un réseau
européen IPv6 (http://www.6init.org/)
Japon : Lancement à grande échelle d'une
expérience IPv6 Le Laboratoire Central de
Recherche (Central Research Laboratory) du Ministère des
Postes et Télécommunications a lancé une expérience
concernant la mise en place du protocole Internet de
nouvelle génération IPv6 sur des WAN. Cette expérience
concerne l'Université de Tokyo, les laboratoires de
R&D de la société KDD, Hitachi, Tokyo
Telecommunication Network, Okinawa Telecommunication
Network et Osaka Media Port. L'infrastructure utilisée
se compose de réseaux optiques sans-fils, d'un débit de
2,4 Gigabit/s, ainsi que des réseaux optiques à
multiplexage en longueur d'onde (Wavelenght Division
Multiplex- WDM) déployés dans les regions du Kanto, du
Kansai et d'Okinawa. Les tests concernent la technologie
"D1-over-IP" développée par le CRL pour la diffusion de
vidéo avec un débit de 300 Mégabit/s, suffisant pour de
la diffusion temps-réel sur Internet. D'autres tests
seront menés concernant l'utilisation à distance d'un
réseau de supercalculateurs. Ces expériences devraient
durer de trois à quatre ans. "BE Japon (162) -
Ambassade de France à Tokyo / Agence pour la Diffusion
de l'Information Technologique (ADIT, http://www.adit.fr/) -
Abonnement gratuit par mél : subscribe.be.japon@adit.fr"
IPv6 au Japon : http://www.wide.ad.jp/
Quelques ressources IPv6
Incontournable : Le site du G6, LE lieu d'expertise
en France de l'IPv6 http://phoebe.urec.fr/G6/
En avant-première : Le GFSI (Groupement français pour
la standardisation de l'Internet) va lancer le portail
francophone sur les standards de l'Internet le 12
janvier prochain, à l'occasion de Vercors 2001. Il
mettra à disposition de nombreuses ressources et
information sur l'IPv6, bien sûr, mais aussi sur la
mobilité, la sécurité, la qualité de service... En
attendant le lancement officiel, une version de travail
est déjà accessible : http://www.isoc-gfsi.org/
Indispensable : l'IPv6 forum, régulièrement mis à
jour. On y trouve toutes les dernières nouvelles
concernant IPv6 http://www.ipv6forum.com/ On
y trouve également tous les articles publiés en ligne
concernant le protocole : http://www.ipv6forum.com/navbar/press/pressroom.htm
Le point sur IPv6 sur le site de la Mission
interministérielle de soutien technique pour le
développement des technologies de l'information et de la
communication dans l'administration (MTIC) http://www.mtic.pm.gouv.fr/dossiers/documents/lat/internet-demain/ipv6.shtml
Le tutoriel en ligne de Laurent Toutain, de l'ENST
Rennes : http://www.rennes.enst-bretagne.fr/~toutain/TutorialBudapest.htm
D'IPv4 à IPv6... et IPv5 ? Et IPv5 alors ?
C'est la question classique et logique dès que l'on
aborde le sujet IPv6 et qui souvent est balayée d'un "ça
n'existe pas". Et pourtant, IPv5 existe même si ces
fonctionnalités n'ont rien à voir avec IPv4 et IPv6.
IPv5 en réalité est mieux connu sous un autre nom de
code : ST2+. Plus précisément, c'est l'alliance de ST2
et ST2+ qui forme l'Internet Protocol version 5 .
L'abréviation ST signifie Streaming Protocol. IPv5 est
donc finalement un protocole destiné au streaming. Pour
en savoir plus, référez vous au RFC 1819 de
l'IETF. RFC 1819 : http://www.freesoft.org/CIE/RFC/Orig/rfc1819.txt Voir
aussi le texte sur IPv6 du College of Engineering de
l'université de Californie, avec un paragraphe sur IPv5
: http://www.engr.csulb.edu/~srir/cecs572/ |